Des idées en vrac - 0
Discussion sur tout et rien, un peu de tout et un peu de rien.
Je vais publier ici, publiquement des idées en vrac et elles sont uniquement le prologue de mes réflexions, l'élément qui précède tous essais plus profonds, mais qui lui est l'impulsion de départ.
À n'en déplaire à Parménide, je crois que l'on peut parler de ce qui n'est pas, et que la profondeur de la pensée ne se trouve pas dans la vérité, mais dans la recherche de celle-ci. Le fardeau de la vérité est trop lourd pour être porté par un seul homme, et c'est pourquoi je crois en la multiplicité des voix, en la diversité des opinions. C'est dans le dialogue que la vérité se révèle, et c'est dans la confrontation des idées que l'on grandit. La légèreté n'est pas non plus la réponse à tout, et il est nécessaire de se confronter à la complexité du monde pour en saisir toute la richesse. C'est pourquoi je m'adresse à vous, lecteurs, pour partager mes idées, mes doutes, mes questionnements. Et c'est ensemble, dans l'échange, que nous pourrons parvenir à un peu plus de clarté.
La religion du savoir
Premièrement, me vient l'idée de discuter de ce que la religion est, et ce qu'elle n'est pas. Dans quelles conditions elle est née ? Au détour de nombreuses rencontres avec moi-même, finalement à travers la médiation qu'est la prière, pas celle religieuse, mais celle personnelle. Je voudrais parler de ce que je nomme la "religion du savoir", c'est-à-dire la religion que la science procure aux hommes. Pendant des siècles, les hommes ont été attirés par ce qui est connu et rassurant, à savoir la religion. Aujourd'hui, ce qui rassure, ce sont plutôt les faits scientifiques (comme on peut le constater dans les publicités ou dans les débats politiques). Néanmoins, il y a une migration des croyances, des religions fondées sur des mythes ou des récits, vers une croyance en la science. Pourtant, la méthode scientifique, telle que décrite par Karl Popper au début du siècle dernier, explique clairement que la science est fondamentalement falsifiable, ou plutôt qu'elle décrit le monde de manière correcte jusqu'à ce qu'une meilleure explication émerge. Nous avons donc à la fois une croyance en une science infaillible et une réalité, celle d'une science en perpétuelle évolution.
Bien voilà, c'est mon introduction à cette idée qui ne mérite plus qu'à être développée a posteriori.
La démocratie
Mon point de vue sur la politique est celui de la démocratie, que je considère comme un moyen pour le peuple de s’exprimer. Or, cela nécessite une pluralité des points de vue, c’est-à-dire la présence de nombreuses opinions divergentes, tout en soutenant activement la possibilité de s’exprimer. Dans une république, c’est à travers des représentants que le peuple peut s'exprimer. En votant et en élisant son député, le citoyen fait représenter les idées locales à l’échelle nationale, voire internationale. Cependant, il semble que la notion de localité se soit perdue chez les députés. En réalité, nous savons que lorsque nous élisons un maire, il agit pour le bien (ou peut-être le mal) de la commune. Pour les députés, malgré le principe des circonscriptions, ils ne représentent pas vraiment leurs territoires. Pourtant, dans un système parlementaire, ils sont l’une des rares sources de représentation directe du peuple auprès de l’État. Combien d'entre vous ont déjà rencontré leur député ou analysé son travail ? Un autre point que je trouve pas moins inintéressant est celui lié à ce qu'est, en son essence, la démocratie. On parle souvent d'une démocratie libérale, on peut penser que cette locution signifie que la démocratie est un régime politique qui garantit les libertés individuelles et collectives. Cependant, que serait une démocratie illibérale ? Celle où le peuple a le choix, mais où la pluralité des opinions n'est plus vraiment acceptée. Non pas parce que c'est interdit ou parce que le gouvernement en vigueur ne le permet pas, mais parce que la société elle-même ne le permet pas. "La démocratie illibérale tend [...] à établir un régime de parti-État" 1.
Le socialisme ?
Dans mon approche politique et philosophique, je défends l'idée de démocratie au sein du socialisme et le paradoxe de la tolérance. Deux notions qui peuvent sembler différentes. Prenons le temps d’examiner chacune.
Lorsque l’on souhaite provoquer un changement, plusieurs moyens s'offrent à nous : par le vote ou par la manifestation. C’est ainsi que la France est née, avec la Révolution, et que le socialisme est apparu à travers les grèves. Bien sûr, il s'agit là d'une approximation. L’idée est de montrer que si, à une époque, le vote censitaire semblait rationnel pour certains, il en va de même pour la manifestation. Une minorité consciente et engagée décide. Une manifestation peut aussi représenter une majorité, mais elle s'exprime essentiellement par la voie de la protestation. Ce que je veux dire ici, c’est que manifester n’est pas un moyen démocratique (au sens de représentation républicaine) d’élaborer des lois ou de faire évoluer les idées. C'est l'expression des idées minoritaires par les minorités. Le vote censitaire a été remplacé par le suffrage universel, permettant à tout le monde de s’engager politiquement, même à ceux qui n’y connaissent pas grand-chose. C’est ainsi que le monde a évolué, vers plus de démocratie, vers la lutte contre les dictatures. Toutefois, les institutions elles-mêmes entretiennent encore une forme de "vote censitaire", car nous élisons des députés experts pour nous représenter, et ce sont eux qui votent réellement les lois. La question n’est pas de savoir si cela est bien ou non, mais si cela respecte l’ordre démocratique. Par exemple, manifester lors d’un vote ne fait que parasiter l’élection ; un choix démocratique n'est pas une grève. C'est lorsqu'un gouvernement n'est plus jugé apte à représenter le peuple que celui-ci doit être remplacé. C'est la démocratie, et celle-ci doit parfois passer par la manifestation.
Le paradoxe de la tolérance
Le deuxième point découle du paradoxe de la tolérance, encore une fois proposé par Karl Popper. Nous vivons actuellement dans un contexte de montée des extrêmes, comme en témoigne la progression du Rassemblement National lors des élections européennes de 2024. Nous avons observé deux phénomènes : d’une part, une opposition farouche au RN, basée principalement sur des slogans tels que "c’est mal, c’est raciste" ; et d’autre part, la réalité d’une idéologie nuisible. Le terme "nuisible" suppose l’existence du bien et du mal, mais pouvons-nous vraiment le savoir ? La justice, par exemple, condamne le racisme et, par la séparation des pouvoirs, régule les idées politiques. La question démocratique est de savoir s’il faut donner la parole aux extrémistes. Permettre à tous de s'exprimer peut sembler une manière saine de vivre la démocratie, mais étouffer l’opposition conduit à une forme de dictature, en ne laissant aucune place au débat. Mais Popper nous avertit : si nous sommes trop tolérants, nous risquons de perdre la possibilité de l’être à l’avenir. En fait, il ne faut pas tolérer l’intolérance. Maintenant, la question est de savoir si le RN incarne cette intolérance. Comme toujours, il n’y a jamais de réponse fixe. Cette question peut également être posée à l'inverse : le socialisme prône souvent des idées de tolérance, sauf lorsqu'il s'agit de l’opposition politique. Parfois incapable de tolérer les autres idées, réfractaire à un 'progressisme de droite' ils peuvent se transformer en dictature de la pensée, où le progressisme n'est plus que:
"Le culte du mouvement pour le mouvement, l’exaltation de la fuite en avant dans ce qu’il est convenu d’appeler la 'modernisation', l’impératif catégorique de 'bouger avec ce qui bouge.'" 2
On peut même se demander si le progressisme et l'inclusion ne serait pas intolérant ?
Les extrémistes prônent souvent des idées d'une résistance, la défense d'une identité national, celle d'une culture, d'une langue, d'une histoire. Elle est conservatrice, on ne touche pas à la langue, on ne touche pas à l'histoire, on ne touche pas à la culture. Être Français, doit-il relever de connaître la langue, l'histoire, la culture ? Ou bien est-ce simplement être né en France ? Ou bien encore, de se sentir, appartenir à ce qui fait la France, mais surtout ce qui rassemble la nation à son peuple ? "Comme l’ont montré nombre de spécialistes, souvent étrangers d’ailleurs, la conception civique de la Nation en France a toujours comporté un soubassement ethnique non avoué qui explique qu’à certaines périodes de notre histoire — notamment celles de crises sociales et politiques — la « tentation ethnique » resurgit, transformant le projet national en entreprise identitaire, avec l’énonciation implicite ou explicite des critères d’ethnicité caractérisant le « vrai Français » ou autorisant un étranger à le devenir prochainement." 3. C'est ainsi que Geisser Vincent, soulève la manière dont la langue française attachée aux valeurs de la République, est un moyen de définir l'identité nationale, surtout sur la question de l'immigration et de l'ethnicité que l'on lui attribue.
La langue française
On peut alors soulever quels sont ces moyens et ces marqueurs qui définissent l'identité nationale. Cette identité qui est soumise à des changements, à des évolutions, à des révolutions. Sur la question de la langue française, on peut se demander si la recherche d'une langue juste est véritablement une volonté de pureté, de distinction et d'un conservatisme, limitant l'accessibilité, réduisant l'immigration à ceux qui ne savent même pas parler français. En faisant d'elle une arme contre le progressisme, contre le wokisme et l'immigration exacerbée. Une langue doit s'assurer qu'elle se conforme à ce que l'on en fait, si on ajoute des mots dans un dictionnaire, c'est un double jeu. Celui de décrire le monde contemporain dans lesquel nous sommes, celui de montrer, politiquement, socialement où l'on est, plus que sémantiquement. Mais aussi de décrire fidèlement là où une langue est, c'est-à-dire des mots pour décrire quelque chose qui n'est pas encore nommé. Par exemple celui du mot "iel", largement décrié pour avoir été ajouté à un dictionnaire (un questionnement politique), mais surtout utilisé par certains (un usage concret où le dictionnaire réalise son essence de simplement lister les mots utilisés dans une langue). Ainsi en remplissant son rôle de dictionnaire, il provoque une guerre. Mais dans quels limite ?
Jean-Yes Camus, dans son article sur le populisme et l'extrême droite, explique que le wokisme peut être une forme de totalitarisme, de dictature de la pensée, de l'écriture, de la langue:
"La promotion d’une langue juste, neutre et stable n’est pas une obsession conservatrice, bien au contraire, elle devrait être l’exigence légitime de tout citoyen animé du désir sincère qui sous-tend notre pacte républicain : celui d’une société plus harmonieuse et égalitaire, portée par l’idéal d’une recherche raisonnée du progrès. Le néoprogressisme woke, en opposition partielle à cette conception, trahit cette promesse : au nom d’un Bien dont il a seul défini les contours, il condamne, dénonce et isole chacun dans son identité la plus réduite" 4.
Par exemple l'utilisation de l'écriture dite "inclusive", celle-ci semble être une manière de rendre la langue française plus égalitaire, plus juste, plus neutre. Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce que cela ne crée pas une division, une séparation entre ceux qui pensent que son utilisation est bonne, et ceux qui sont certains que "le masculin fait le neutre". En voulant complexifier une langue pour la rendre inclusive, on ne fait pas l'inverse ? Au lieu de vouloir rassembler, inclure, les humains au sein d'une même unité, on les divise. D'un côté ce qui pensent que c'est une bonne chose, l'autre ce qui pense le contraire. On arrive à un paradoxe où, l'objectif initiale de l'écriture inclusive, s'est transformé en son opposé exact : un moyen de diviser. Alors le wokisme présente la solution comme étant la bonne, en l'imposant violemment à face du monde. Pour moi, c'est tout sauf du progrès ou d'être social, c'est une régression.
Néanmoins, cela soulève une autre question, la volonté de pureté d'une langue, ce n'est pas celle de sa conservation. Mais plutôt de trouver le "mot juste", non pas celui du "politiquement correct", ou encore de "l'écriture totalitaire" 5. Non pas le "mot juste" qui serait celui lié à décrire les choses telles qu'elles sont, mais de nommé ce que la langue doit pouvoir nommer. C'est ce que Laurence Rosier explicite parfaitement dans son article sur l'écriture inclusive. Ce principe semble tout de même s'opposer à celui que j'évoquais plus tôt. Comment vouloir réunir au sein d'une langue, en y intégrant des principes de progressisme sans pour autant diviser les gens ? L. Rosier concluant en rappelant que cette question nous concernant tous - car c'est notre langue -, nous rassemble sur un point: "Pourtant le purisme, intrinsèque à la langue et somme toute, à tout sociolecte émergent, est sans doute le point de fuite de nos pratiques linguistiques, qu’elles soient émancipatrices ou conservatrices : la régulation des formes utilisées, le privilège accordé à l’usage de tel ou tel terme, le principe esthétique invoqué favorisent, à un moment donné, l’idée qu’un mot serait plus « juste » qu’un autre." 5. Elle tient à rappeler de savoir ce qui est "juste".
Moi, je veux conclure cette partie, plutôt à savoir ce qui devrait "nous réunir" pour cet objectif de justice. Certainement pas ce qui provoque la division, peut-être pas l'écriture inclusive, mais peut-être le socialisme.
La politique comme guérilla
Un autre sujet concerne la manière dont la politique n’est plus un débat d’idées, mais une forme de guérilla où l’on bricole nos armes. Aujourd’hui, nos débats politiques semblent être de vieux conflits d’enfants, où des idées similaires s’affrontent sans jamais parvenir à un consensus. Un député doit s’exprimer sur les lois législatives, le président doit rendre des comptes à l’exécutif, et celui-ci doit répondre devant le Parlement. Actuellement, la politique n’est plus un débat d’idées, ni même un conflit entre opposants, mais une sorte de guérilla, en constante mutation, avec des objectifs souvent incompréhensibles pour le citoyen lambda. Il semble que les alliances politiques ne se forment plus autour des idées, mais autour de la communication, de la démagogie, et de la manière d’exprimer ces idées. Certes, des différences idéologiques (socialisme, démocratie, etc.) existent encore, mais elles paraissent insignifiantes face à cette nouvelle réalité. De plus, il y a un déplacement des partis, de la gauche vers la droite, et inversement (où "la largeur du fossé qui divise les Français en deux camps" 6 n'est plus). Les stratégies politiques sont bricolées sans but précis. On passe plus de temps à décrédibiliser les opposants qu’à exprimer ses propres idées. On constate parfois que les groupes politiques proposent des solutions infinies, c’est-à-dire qu’ils répondent à des problèmes en en créant d’autres.
Conclusion
Il est important de souligner le manque de reconnaissance face à nos représentants politiques (peu d'entre nous se sentent véritablement représentés). Il convient également de revenir sur l’utilité des manifestations. Quant à l'intérêt d'une alliance à gauche, il réside dans la pluralité des idées, même si des lacunes subsistent. L'idée d’un parti unique, ainsi que les enjeux du vote, des programmes et de leur application (souvent difficile), tout comme la question de l’argent public, sont des points cruciaux. La question de la langue française comme outil de bataille et de cohésion, la politique comme guérilla, où les idées sont souvent mises de côté au profit du marketing politique sont d'autant de sujets à creuser.
Je tiens à rappeler que ces idées sont le fruit de mes réflexions du moment, et qu’elles ne sont pas figées. Je ne me présente n'appartenant à aucun parti politique, j'exprime mes idées, qui sont les miennes. Je suis ni de droite ni de gauche, je n'ai pas non plus une haine pour un quelconque parti légal. Un avis est en perpétuel changement, surtout avec ceux qui sont opposée à vos idées, c'est ceux-là qu'il faut écouter, pas ceux qui vous réconfortent dans vos idées.
Bibliographie
Camus, Jean-Yves. « Populisme et extrême droite : de quoi parle-t-on ? », Politique étrangère 242, nᵒ 2 (2024): 23‑33. https://doi.org/10.3917/pe.242.0023.
Taguieff Pierre-André. « Les contre-réactionnaires. Le progressisme entre illusion et imposture », Paris, Denoël, 2007, p. 11.
Geisser, Vincent. « Qui veut gagner... l’identité nationale ? », Migrations Société, vol. 21, n° 126, novembre-décembre. 2009.
Biasioni S. (dir.). « Malaise dans la langue française. Promouvoir le français au temps de sa déconstruction », Paris, Éditions du Cerf, 2022.
Rosier, Laurence. « L’écriture inclusive, une langue woke ». La Revue Nouvelle 4, nᵒ 4 (2024): 74‑79.
Goguel François. « La politique des partis sous la Troisième République ». Paris, Seuil, 1946, 2 tomes.